Poutine sans opposition

Elles tendent à nous faire croire qu’il n’y avait qu’un seul futur possible, et on oublie l’existence d’une multitude d’options potentielles qui ne se sont pas réalisées. La guerre a probablement été l’une des options envisagées parmi d’autres, mais pas nécessairement celle qui était vue comme la plus plausible. Cette situation paradoxale de Russie unie s’inscrit tout d’abord dans la tradition longue de la personnalisation du pouvoir qui veut que le rapport dégradé et défiant aux institutions soit compensé par la figure du bon dirigeant, ou plus précisément ici du bon Tsar. J’ai pu constater pour ma part en enquêtant au sein de Russie unie – parti politique majoritaire créé en 2001 pour soutenir Vladimir Poutine – à quel point le discours tenu, même à la partie la plus légitimiste de la population, par les autorités était paradoxal. Je dirais ainsi, en schématisant un peu, qu’il s’agit là d’un désintérêt, d’une méconnaissance et d’une défiance mutuelle entre les représentants du pouvoir et une société plurielle qui a beaucoup changé. En revanche, Douguine, traducteur de René Guénon et lecteur de Julius Evola, a contribué à la renaissance du pérennialisme, école philosophique opposée à l’héritage des Lumières et de la « modernité » occidentale et fondée sur l’idée d’une « Tradition primordiale » commune à l’essentiel de l’humanité.

Selon des données de Statista, en avril 2024, plus de 85 % des Russes approuvaient les activités du président Vladimir Poutine. Poutine le pragmatique n’est certes pas un philosophe ni un intellectuel mais il s’est entouré d’idéologues comme Vladimir Iakounine, qui est à la fois le PDG de la Compagnie des chemins de fer russes et l’un de ses proches conseillers. Les discours de Vladimir Poutine témoignent de son souci de revenir aux « sources profondes de la culture russe » et, même s’il ne les écrit pas lui-même, « ses mots prennent corps hors de lui », parmi les hauts fonctionnaires ou les commentateurs. La politique d’endiguement de la Russie, qui a continué au XVIIIe, au XIXe et au XXe siècle, se poursuit aujourd’hui. Sa particularité est qu’il ne fond pas complètement, mais garde une texture légèrement caoutchouteuse qui fait toute la différence.

Attitude à l’égard de l’URSS

Ce changement est perçu comme une manœuvre visant à transformer durablement l’économie russe en une économie de guerre, en prévision de plusieurs années de conflit en Ukraine. La Banque mondiale fait savoir, en mars 2010, que les pertes russes ont été moindres qu’il ne l’avait été prévu au début de la crise. La croissance du premier trimestre 2010 est de 2,9 % et la croissance du secteur industriel est de 5,8 %, faisant de la Russie le second restaurant poutine repentigny pays derrière le Japon dans le groupe des huit pays industrialisés. Mais la liberté de ton reste assez partielle, comme en témoigne le limogeage fin 2011 de deux responsables éditoriaux de Kommersant par l’oligarque Alicher Ousmanov.

Vladimir Poutine gravement malade ? Ces images qui sèment le doute

Deux ans plus tard, il fait adopter par référendum la non-limitation des mandats présidentiels dans le temps, ce qui lui permettrait de se maintenir jusqu’en 2036 au pouvoir. En 2023, la Cour pénale internationale émet à son encontre un mandat d’arrêt pour crimes de guerre et transfert illégal d’enfants ukrainiens. “Pour organiser une élection présidentielle démocratique qui se solderait par l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement compétent et qui aurait la confiance du peuple, puis commencer avec ces autorités des négociations sur un accord de paix”, a-t-il avancé, évoquant cette idée pour la première fois. La division schmittienne de la politique entre « les nôtres » et « les vôtres », les amis et les ennemis permet de refuser les « guerres humanitaires » globales. Les « impératifs du Grand Espace » définissent l’Eurasie, aire civilisationnelle dont Douguine veut faire la matrice d’un Empire de la Terre capable de tenir tête à la « Thalassocratie » atlantiste. Enfin, la « théorie du partisan » de Carl Schmitt est, selon Douguine, une notion immédiatement comprise par les Russes, coutumiers de la « guerre de partisans » contre Napoléon ou les nazis.

Dans le reste du monde

  • Novy Mir (« Nouveau Monde ») défend une vision du monde humaniste et vigoureusement anti-stalinienne en publiant Une Journée d’Ivan Denissovitch de Soljenitsyne en 1962 ou les textes du futur dissident Andreï Siniavski.
  • En 1999, après la crise financière russe de 1998, commence une fulgurante ascension, qui va porter Vladimir Poutine, peu connu, au sommet du pouvoir en Russie.
  • Pour Léontiev, l’Empire russe devait s’étendre vers le Proche-Orient, mais aussi vers l’Inde, la Chine, le Tibet.

La Crimée est régulièrement ciblée par des frappes, ce qui a d’ailleurs contraint la flotte russe de s’éloigner de la péninsule. Par ailleurs, Vladimir Poutine utilise la menace nucléaire depuis plusieurs années déjà – même avant l’offensive massive de l’Ukraine en février 2022. L’un des rares pays européens à avoir actuellement “une envergure à la fois économique et militaire”, souligne cet économiste de formation. Et la compétence et la crédibilité sont autant d’atouts dans la poche du Premier ministre polonais pour prendre entre ses mains le destin de l’Europe dans les années à venir.

On sait encore beaucoup de choses sur la société russe, à condition de bien vouloir lire les enquêtes d’opinion avec nuance, de les corréler avec des informations plus qualitatives, et de suivre les derniers espaces de liberté que l’on trouve sur Telegram. On peut bien évidemment discuter de la pertinence à mener des enquêtes d’opinion dans un contexte à la fois autoritaire et en guerre. L’Église offre également une justification théologique à la guerre, quasiment une théorie de la guerre juste adaptée aux canons de l’Orthodoxie, ce qui a une valeur non négligeable.

Absent de l’ouvrage d’Eltachninoff, Mikhaïl Katkov peut aussi être considéré comme un penseur relativement influent dans la vision internationale du Kremlin. Il fait partie des slavophiles qui ont fini par abandonner l’idée d’une union des peuples slaves pour celle d’une domination russe sur ces derniers, en rejetant la Pologne, catholique et occidentale, passée de « sœur » à peuple hostile. Danilevski a abordé l’antagonisme entre le monde « romano-germanique » (un terme que l’on retrouve également chez Trubetskoï) européen et le monde slave, en s’appuyant sur une base historienne et anthropologique.

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D’une certaine manière, c’est donc l’imagerie que Poutine renvoie en Russie qui lui permet de faire croître sa popularité. Pour se faire connaître et aimer de tous, il mit, entre autres, des portraits et des peintures de lui dans les établissements scolaires. De plus, beaucoup de médias font objet de censure, en particulier les médias sociaux qui servent de moyen de diffusion pour l’opposition. À la fin des années 1990, Vladimir Poutine fréquente un cercle d’études consacré à Lev Goumilev, l’un des derniers représentants historiques de l’eurasisme. Lors de son discours du 12 décembre 2013, il cite Lev Goumilev en évoquant son concept de « passionarité » ou « énergie intérieure » du peuple russe, et qualifie le développement de la Sibérie et de l’Extrême-Orient russe de « priorité nationale pour tout le XXIe siècle ». Il s’explique également par le désintérêt de l’Europe occidentale pour sa proposition d’une « Europe de Lisbonne à Vladivostok ».

Les écrits de cet existentialiste chrétien défenseur des libertés montrent que « l’idée russe » n’est pas synonyme d’obscurantisme et d’opposition à la modernité. Berdiaev est instrumentalisé par le Kremlin pour soutenir sa vision national-conservatrice, mais sa pensée originelle est très, très éloignée de la version déformée qu’en proposent les conseillers de Poutine. Le régime actuel ne pourra pas l’embrigader toute entière ; le panthéon idéologique qu’il cherche à constituer est d’ailleurs bien loin de refléter la diversité des penseurs russes et la profondeur de leurs travaux.

Avant d’évoquer les enjeux liés à la mobilisation de la population, l’investissement de l’histoire – notamment celle de la Grande guerre patriotique – est tout d’abord une affaire de censure et d’imposition d’une vérité d’État. Ce à quoi il faut ajouter bien sûr l’exclusion de la frange démocrate la plus protestataire – incarnée notamment par Navalny et ses soutiens – qui se voient opposer la plupart du temps toutes sortes d’obstacles, y compris pour les élections locales, ce qui décourage leurs partisans de voter. Clémentine Fauconnier est maîtresse de conférences en science politique à l’Université de Haute Alsace et rattachée au laboratoire SAGE (sociétés, acteurs et gouvernement en Europe).

22. listopadu 2025 justedespoutines.com

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